Le choléra en Europe en 1886


Article extrait par Dr Aly ABBARA de :
Louis FIGUIER. " L'année scientifique et industrielle - trentième année (1886) "
Paris ; librairie Hachette et C. 1887. p:384-387.


 

Le choléra en Europe en 1886.

Le choléra semble en quelque sorte quitter l'Europe à regret ; mais il est certain que, dans les foyers où il a éclaté en 1885 et 1886, il est resté circonscrit à ces seuls points et s'est éteint sur place. On sait qu'il a sévi en 1886 dans toutes les parties de l'Italie, et qu'il est peu de régions du midi de la Péninsule qui n'aient eu à enregistrer, non beaucoup de morts par le choléra, mais beaucoup de malades.

A la fin de l'année 1886, le foyer le plus actif de l'Europe était encore l'Italie, mais l'Italie du Nord. L'épidémie, qui semblait abandonner les provinces septentrionales du royaume, localisait ses ravages dans les provinces de Bergame, de Ferrare et de Tarente.

En Autriche-Hongrie elle faisait encore des victimes : à Trieste et dans les environs de cette ville, à Laybach, à Vienne et à Pesth. Mais les cas y étaient de moins en moins nombreux, de sorte qu'on pouvait espérer l'extinction totale de ces foyers.

Le foyer rhénan paraît moins intense. Depuis le commencement d'octobre 1886, on comptait encore des cas suspects dans la banlieue de Mayence, aux villages de Gonsenheim et de Finheim.

On ignore l'origine de ce foyer, qui a donné aux autorités sanitaires allemandes l'occasion de mettre à exécution des mesures fort sévères pour la surveillance des voyageurs et d'exagérer leur zèle prophylactique.

En Amérique, les décès cholériques signalés dans la République Argentine ont l'importation européenne pour point de départ.

La formation d'un foyer dans cette région paraît imminente; mais, à l'heure actuelle, les renseignements sont encore trop insuffisants pour mesurer l'importance de cette explosion du mal asiatique dans le Nouveau-Monde.

La France n'a pas été épargnée dans ces dernières manifestations de l'activité cholérique ; et comme c'est de notre pays que nous avons surtout à nous inquiéter ici, nous parlerons avec plus de détails d'une épidémie de choléra qui a eu lieu dans le Finistère, au mois de janvier 1886.

Le choléra du Finistère a été le sujet d'un rapport intéressant de M. Proust, professeur à la Faculté de médecine de Paris, qui avait été chargé officiellement par le Ministère du Commerce, conjointement avec M. le docteur Charrin, chef de laboratoire à ladite Faculté, de se rendre en Bretagne, afin d'y constater l'état sanitaire, et d'y prescrire les mesures nécessaires pour prévenir les réapparitions, dans cette contrée, du choléra qui y a sévi pendant une partie de l'hiver.

La maladie a commencé d'apparaître à Concarneau, le 18 septembre 1885. Elle s'est éteinte le 2 février 1886, après avoir duré ainsi quatre mois et demi, pendant lesquels elle a fait 35 victimes, sur 5191 habitants.

Elle a frappé aussi, dans le même temps, mais pendant une période plus courte, les localités de : Guilvinec (71 décès sur 1968 habitants) ; Audierne (420 cas, 144 décès sur 1700 habitants) ; Kerhuon (15 décès sur 1249 habitants) ; Brest (39 décès); Douarnenez (65 décès, sur 9809 habitants), où il y avait encore 6 cholériques le 6 février ; Quimper (35 décès sur 15 000 habitants) ; île de Seins (25 décès sur 772 habitants); Plougastel et village de Tindulf (3 décès), soit en tout 431 décès cholériques.

La maladie, dans le Finistère, a donc débuté à Concarneau, où elle paraît avoir été importée par des pêcheurs de thon venant d'Espagne, pour gagner peu à peu les localités dont nous venons de donner les noms, dans l'ordre où elle ont été successivement contaminées.

La filiation est des plus intéressantes et des mieux prouvées.

De plus, l'enquête de MM. Proust et Charrin a établi, dans beaucoup de cas, la transmission dans la même maison et dans les maisons d'une même rue. La réceptivité était favorisée par les causes suivantes : la malpropreté, l'alimentation mauvaise et insuffisante, les habitudes d'intempérance des ouvriers et des marins, l'insalubrité des logements trop étroits, à air confiné et vicié.
Quant à la transmission, elle est favorisée, de son côté, par le défaut de précautions et de soins pour se préserver de la contagion, l'affluence des individus dans les chambres où se trouvaient les malades, les inhumations tardives et le grand nombre d'individus qui venaient visiter les cadavres et séjourner près d'eux.

Dans les différentes localités atteintes, les victimes appartenaient presque toutes à la classe pauvre, et le plus grand nombre étaient des alcooliques. Des cas très rares ont été observés parmi les personnes aisées, et, parmi ces dernières, celles qui ont été frappées ont presque toutes guéri.

Ajoutons que le choléra est resté à peu près circonscrit dans les villes et les villages placés au bord de la mer. Ce fait s'explique par l'habitude qu'ont les habitants de ces ports de ne pas se porter vers l'intérieur du pays. Les quelques cas qui se sont montrés dans les localités du voisinage, se sont déclarés par suite de l'arrivée de quelques émigrants. Enfin, partout le choléra est resté localisé, surtout dans certains quartiers, et l'épidémie a présenté le caractère des épidémies de maison.

Un certain nombre de mesures ont été prises pour combattre l'épidémie. On a cherché partout à désinfecter les matières. Mais l'isolement, sauf à Quimper, n'a été pratiqué nulle part ; et les tentatives de désinfection des chambres ont été nulles ou très imparfaites, sauf à Douarnenez.

Cela n'a pas empêché le foyer cholérique de s'éteindre sur place, ce qui est aujourd'hui, et fort heureusement, la règle générale des éclosions du choléra.

L'ANNÉE SCIENTIFIQUE 1886


Post Scriptum :

  • Le choléra d'après le dictionnaire " Cordial " numérique 2012 :
    • En pathologie : maladie contagieuse provoquée par le vibrion cholérique.

    • Trésor de la Langue Française :
      • CHOLÉRA, substantif masculin
        A.— PATHOLOGIE. Infection intestinale grave, caractérisée notamment par des déjections fréquentes, des vomissements de bile avec déshydratation des tissus, altération de la physionomie, crampes et syncopes.(Quasi-)synonyme vieux et familier : trousse-galant (confer Hugo, Les Misérables, tome 2, 1862, page 644) :

      • Qu'est-ce que le choléra? Est-ce un vent mortel? Sont-ce des insectes que nous avalons et qui nous dévorent? Qu'est-ce que cette grande mort noire armée de sa faux, qui traversant les montagnes et les mers, est venue comme une de ces terribles pagodes adorées aux bords du Gange, nous écraser aux rives de la Seine sous les roues de son char? FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND , Mémoires d'Outre-Tombe, tome 4, 1848, page 62.

      • Le terme composé choléra-morbus (conferMICHELET, Introduction à l'Histoire universelle, 1831, page 405) servait anciennement à désigner cette maladie; il est attesté dans la plupart des dictionnaires et illustré dans la documentation.


  • Le choléra d'après le "Grand Robert de la langue française" version numérique 2013 [Version 3.1.0 (7.0)] :
    • Etymologie : 1546, cholere; lat. cholera; grec kholera « choléra ».

    • Très grave maladie épidémique caractérisée par des selles fréquentes, des vomissements, des crampes, un grand abattement.
      Choléra asiatique, le « vrai choléra », causé par le vibrion cholérique.


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