Critères de Sapporo, consensus d'experts sur le diagnostic du
syndrome des anticorps antiphospholipides primitif
(syndrôme de Hugues)

(Wilson et al. 1999)
Auteur : Dr Aly Abbara.
Mise à jour le : 22 Octobre, 2012

Critères cliniques
  • Thromboses vasculaires :
    • Un ou plusieurs épisodes de thrombose
        • artérielle ou
        • veineuse ou
        • de petits vaisseaux,
      • De n'importe quel organe.
      • La thrombose doit être confirmée par imagerie (Doppler...) ou par des données hématologiques.
      • En cas de preuve anatomopathologique, il ne doit pas y avoir de signes de vascularite.

  • Morbidité obstétricale :
    • trois (ou plus) de fausses couches spontanées précoces (avant 10 SA) inexpliquées sans cause anatomique, génétique ou hormonal retrouvée ou
    • une (ou plus) mort foetale > 10 SA, sans aucune anomalie morphologique documentée par échographie ou étude foetopathologique ou
    • un (ou plus) accouchement prématuré < 34 SA d'un enfant morphologiquement normal, associé à une pré-éclampsie sévère ou une insuffisance placentaire sévère.

Critères biologiques
  • Anticorps anticardiolipines
    • IgG et/ou IgM présentes
    • à titre élevé ou moyen,
    • à au moins deux reprises séparées d'au moins 6 semaines et
    • mesurées par un test ELISA standarisé pour la bêta2-glycoprotéine I (β2GP1)

  • Anticoagulant circulant lupique :
    • dépisté selon les recommandations de l'International Society of Thrombosis and Hemostasis
    • présent dans le plasma
    • à au moins deux reprises séparées de 6 semaines
    • détecté selon les étapes suivantes (recommandations du sous-comité SSC sur le lupus) :
        • mise en évidence d'un allongement d'un test de coagulation de dépistage (TCK ; APTT activated partial thromboplastin time ; dRVV venin de vipère dilué Russel ; temps de prothrombine diluée ; temps de Texatrine)
        • absence de correction de ce test anormal par l'adjonction de plasma témoin
        • correction ou raccourcissement du test anormal par adjonction d'un excès de phospholipides
        • exclusion d'autre coagulopathies (inhibiteur du facteur VIII) ou héparinothérapie en fonction du contexte

  • Le SAPL est défini s'il existe au moins un critère clinique et un critère biologique


Classification des critères cliniques et biologiques du syndrome des anticorps antiphospholipides

Critères cliniques

Selon (Piette 1998) :

  • Critères majeures :
    • thromboses veineuses et artérielles
    • critères obstétricaux

  • Critères mineurs :
    • Livedo réticulaires ;
    • lésions vasculaires cardiaques ;
    • chorées ;
    • hémorragies surrénaliennes
    • thrombopénie ;
    • autres...
Critères biologiques

  • Majeurs :
    • positivité et persistance de :
      • anticoagulant circulant ;
      • IgG anticorps anticardiolipines fortement positives ;
      • anticorps anti bêta2-glycoprotéine I positifs ;

  • Mineurs :
    • positivité et persistance de :
      • IgM anticorps anticardiolipines ;
      • IgG anticorps anticardiolipines moyennes et faibles ;
      • VDRL positif
Commentaires
Commentaires
cliniques


  • Manifestations vasculaires :
    • veineuses : les plus fréquentes sont les accidents thromboemboliques veineux de gros vaisseaux profonds ; les accidents thrombotiques superficiels ne sont pas unanimenet intégrés dans le syndrome des anticorps antiphospholipides.
    • artérielles : principlement neurologique (thrombose artérielle in situ ou embole d'origine cardiaque).
    • microvaisseaux : microangiopathie thrombotique rénale, nécrose cutanée, hémorragies sublinguales, livedo.
    • Les récidives sont fréquentes. Curieusement, un épisode thrombotique artériel initial tente à récidiver dans un autre territoire artériel et il en est de même pour un événement veineux. La fréquence des récidives a été estimée à environ 10 % à 4 ans.
    • L'incidence des récidives tend à être plus fréquente chez les patients ayant des taux les plus élevés d'anticorps de type IgG.
    • Les embolies et infarctus pulmonaires compliquent environ 1/3 des patients ayant des thromboses profondes veineuses récidivantes.
    • Les anticorps antiphospholipides sont retrouvés chez 20 % des patients de moins de 40 ans avec un accident vasculaire cérébral sans cause apparente.

  • Manifestations obstétricales :
    • Autres que les critères obstétricaux cités dans la liste de Sapporo, certains auteurs (Boffa et al. 1995, Silver et al. 1992) proposent certaines pathologies vasculaires graves comme critères du diagnostic du syndrome des anticorps antiphospholipides : hématome rétroplacentaire, pré-éclampsie, éclampsie, HELLP syndrome et les les accidents ischémique foetaux.

  • Autres manifestations peuvent être inclues :
    • lésions vasculaires cardiaques (épaississements)
    • hémorragies surrénaliennes
    • troubles neurologiques : chorée, convulsions, myopathies transverses, accidents
      veineux, hypertension intracranienne
    • hypertension artérielle pulmonaires
    • perforation de la cloison nasale
    • la thrombopénie et l'anémie hémolytique auto-immune : leur intégration dans les critères du diagnostic du syndrome des anticorps antiphospholipides reste débatue.

Commentaires biologiques

 

  • Les anticorps antiphospholipides sont des auto-anticorps capables d'exercer des effets pathogènes in-vivo en interférant avec les phospholipides membranaires des cellules endothéliales et des plaquettes ou avec les phospholipides intervenant dans la cascade de la coagulation.
  • La plupart des anticorps associés au syndrome des anticorps antiphospholipides sont dirigés soit contre des phospholipides, soit contre des protéines plasmatiques liées à des phospholipides anioniques et en particuliers contre deux protéines plasmatiques :
      • la bêta2-Glycoprotéine I (b2GPI) et
      • la prothrombine.
    • Les autres protéines proposées comme antigène cible des anticorps antiphospholipides sont :
      • la protéine C,
      • la protéine S,
      • l'annexine V et
      • les kininogènes (de haut et bas poids moléculaire)

      Les anticorps retrouvés dans le syndrome des anticorps antiphospholipides sont :

  • Les anticorps anticardiolipines :
    • retrouvés dans 80 à 90 % des patients atteints du syndrome des anticorps antiphospholipides
    • de type IgG, IgM ou IgA
    • les IgG sont les plus fréquements positives, les plus sensibles et spécifiques
    • Les seuils retenus avec les techniques standarisées :
      • < 15 UGPL : négatif ;
      • 15 - 30 UGPL : faiblement positif ;
      • 30 - 80 UGPL : positif
      • > 80 UGPL : fortement positif.
    • les IgM peuvent être isolements positives chez 5 % des patients atteints.

  • Les anticoagulants circulants :
    • Sont appelés aussi les inhibiteurs de la coagulation in-vitro
    • Ont une propriétés anti-prothrombinase : anticoagulants in vitro et procoagulants in vivo
    • ils prolongent le temps de thromboplastine partielle activée (TTPA) ou le temps de céphaline activée(TCA) et parfois le taux de prothrombine (TP) d'un plasma normal mais n'inactive de façon spécifique aucun des facteurs de coagulation connus.
    • 20 à 30 % des patients atteints du syndrome des anticorps antiphospholipides ont un anticoagulant circulant positif et des anticorps anticardiolipines négatifs.
    • La posivité de l'anticoagulant circulant présente un risque majeur d'accidents thromboemboloiques ; bien plus important que celui d'un anticorps anticardiolipine isolement positif.

  • Anticorps anti-bêta2-glycoprotéine I :
    • la bêta2-glycoprotéine I est un cofacteur des phospholipides, car en jouant le rôle d'une protéine de liaison des phospholipides, elle est nécessiare pour la liaison des anticorps aux phospholipides
    • la positivité de l'anticorps anti-bêta2-glycoprotéine I est retrouvé chez la moitié des patients avérés atteint du syndrome des anticorps antiphospholipides.

  • Les autres anticorps antiphospholipides :
    • Anticorps anti phosphatidyl-choline ;
    • Anticorps anti phosphatidyl-inositol ;
    • Anticorps anti phosphatidyl-éthanolamine ;
    • Anticorps anti phosphatidyl-sérine.
      • Sont souvent recherchés en cas de manifestations cliniques évocatrices du syndrome des anticorps antiphospholipides avec des recherches des anticorps anticardiolipines et anticoagulant circulant négatives.

  • VDRL :
    • la recherche peut être positive en cas d'atteinte par le syndrome des anticorps antiphospholipides ; ce phénomène est connu sous le nom de (sérologie syphilitique faussement positive).

  • Remarques :
    • Lorsque les anticorps anti-phospholipides surviennent
      isolément sans maladie générale associée, on parle alors de syndrome primitif des anticorps antiphospholipides (SAPL-1).
    • L'association d'un anticorps antiphospholipide à d'autres auto-anticorps est fréquente parce que :
      • en l'absence de lupus :
        • 30 à 50 % des patients sont porteurs de facteurs anti-nucléaires à titre modéré (1/40 à 1/160).
        • Les anticorps anti-ADN natifs et anti-antigène nucléaires solubles (anti-RNP) sont constamment négatifs.
        • Par contre, des anticorps anti-ADN dénaturé, un Coombs érythrocytaire positif de type IgG ou complément, des anticorps antiplaquettes, antimitochondries de type M5 peuvent être associés aux anticorps antiphospholipides. Il s'agit soit d'anticorps spécifiques, soit d'anticorps ayant une réactivité croisée avec des phospholipides de cellules endothéliales, de plaquettes ou associés à l'ADN dénaturé.
        • Le complément est normal, sauf s'il existe un déficit génétique en C4 concommittent.
      • La présence des anticorps de type anticoagulant circulant (Acc) et anticardiolipine (aCL) est rapportée dans un nombre croissant de maladies auto-immunes dont le lupus érythémateux disséminé car environ 30 à 40% des patients lupiques, quelle que soit leur origine ethnique et géographique, ont des anticorps antiphospholipides.

    • Des anticorps antiphospholipides sont détectés transitoirement au cours de nombreuses infections bactériennes et virales (les infections chroniques, à l'EBV et le VIH puisque la fréquence de la présence d'un anticorps antiphospholipide au cours du SIDA varie entre 20 et 60 % selon les équipes.

    • Les drogues induisant des anticorps antiphospholipides sont les mêmes que celles responsables de lupus induit, essentiellement la Chlorpromazine et la Procaïnamide.

    • Les oestroprogestatifs semblent se compliquer plus fréquemment de thrombose lorsqu'il existe un anticorps antiphospholipide isolé qu'en son absence.

    • Les anticorps antiphospholipides peuvent également être de découverte fortuite chez des sujets apparemment sains, dans ce cas là leur fréquence est mal connue :
      • La prévalence de l'anticoagulant circulant se situe autour de 2 à 10 % dans les séries rapportées.
      • La prévalence d'un anticorps anticardiolipine serait plus élevée (5 à 19 %)
      • L'association d'un anticorps anticardiolipine et d'un anticoagulant circulant est rarement retrouvés chez un sujet sain.
En pratique :


  • Devant un tableau clinique évocateur du syndrome des anticorps antiphospholipides les tests à demander :
    • Premièrement on recherche la présence d'un anticoagulant circulant et les anticorps anticardiolipines
    • Les anticorps anti bêta2-glycoprotéine I sont recherchées
      • Si les anticorps anticardiolipines IgG sont faiblement positifs isolés, ou
      • Si les anticorps anticardiolipines IgM sont isolément positifs, ou
      • Si les recherches des anticorps anticardiolipines et l'anticogulant circulant sont négatives avec un tableau clinique très évocateur du syndrome des anticorps antiphospholipides
Objectifs du traitement

 

  • Les objectifs du traitement sont :
    • Immunologiques :
      • vise l'élimination des anticorps circulants, parfois à court terme dans les situations aigues, mais difficile à long terme.
      • Elle repose sur l'utilisation de corticoïdes; d'immunosupresseurs, d'échanges plasmatiques ou d'immunoglobulines intraveineuses, seuls ou en association.

    • Symptomatiques :
      • vise la prévention des thromboses à court et à long termes, grâce à l'utilisation d'aspirine, d'anticoagulants ou de leur association.

Dr Aly Abbara.
Mise à jour le : 22 Octobre, 2012