Une pensée et l’Esprit
Vénérable Ji-Kwang

Conférence donnée le 12 janvier 2007
Musée Dupuytren/ UPMC Centre des Cordeliers
Paris


Conférence donnée par le vénérable Ji Kwang, enseignant fondateur du Centre de Méditation Bouddhiste Nungin Sunwon

 

Aujourd’hui je suis très honoré d’avoir le privilège de faire cette conférence devant vous sur la « véritable nature du Bouddhisme ». Je voudrais également associer dans mes remerciements les organisateurs de cette conférence.

1) Enseigner la non-dualité dans le Bouddhisme

Le bouddhisme n’enseigne pas un monde duel, mais un monde non-duel. En tant que tel, pour entrer dans un temple bouddhiste vous devez passer par une porte appelée la Porte de la non-dualité. Dire non-dualité c’est dire qu’il y seulement le « un ». Spatialement il y a un univers, temporellement il y a seulement le moment et l’éternité ?
Le soi et l’autre sont un, tout comme l’Esprit et le corps sont un. La douleur et le plaisir sont un, de la même manière que le monde présent et ce qui dure toujours sont un. Il y a une parole qui dit que la forme n’est pas différente du vide, et que le vide n’est pas différent de la forme. La nature du Dharma est présente à travers l’univers et n’a pas deux faces/apparences. L’expression surprenante  que l’essence de toute la création est tranquille et immuable va dans ce sens.

Les différentes formes/images dans ce monde ne sont rien de plus que les diverses manifestations du « un ». La nature de la vérité est vraiment subtile, et ne soutient pas l’image originale sereine/pacifique mais devient manifeste en de nombreuses formes dépendant du karma.
Néanmoins, la personne non-illuminée fait des distinctions entre toutes les formes visibles et donc ne peut pas savoir la vérité de l’unicité de toutes choses. Ainsi l’éveil à la vérité n’est pas plus qu’une personne éveillée. C’est quelque chose que la personne non-illuminée  ne peut pas savoir.
Un monde divisé en deux est un monde spatialement limité, un monde dans lequel le temps est formulé. Le monde absolu et illimité, qui transcende le temps et l’espace, a été temporellement et spatialement brisé et divisé en pièces, ou en d’autres mots, ce monde limité par le temps et l’espace est né d’un monde qui transcende le temps et l’espace. Nous parlons de ce monde qui transcende le temps et l’espace comme de « la vraie nature du dharma » ou comme « Bouddha incorporant la vérité ».
Ainsi comment ce monde fondamentalement holistique  que j’ai décrit devient-il un monde marqué par la différentiation, ou le monde de Bouddha, transcendant le temps et l’espace, devient-il un monde rempli par les souffrances des êtres sensibles ?  C’est précisément à cause de l’apparition d’une seule pensée. Le Bouddha enseigna que le développement du monde des êtres sensibles, le monde de la différentiation était causé par l’apparition d’une simple pensée non illuminée. Nous allons maintenant voir plus précisément la signification de cette unique pensée.

2) Une pensée formant le monde
L’Esprit a une grande force, comme il est relaté dans les mots du Sutra de la Guirlande de fleurs. Si vous voulez comprendre la nature de l’univers, vous devez voir que chaque chose est créée par l’Esprit seul. L’immense énergie de cette chose appelée l’Esprit repose sur une pensée et s’écoule pour influencer le monde matériel. Une « pensée » est énergie, elle est la force « Ki » (force de vie). Et le pouvoir de la pensée forme différents champs et matières
Les bonnes pensées forment les champs de bonnes énergies et les mauvaises pensées forment les mauvais champs d’énergie.
Une pensée est le point où les royaumes de l’Esprit et de la matière convergent.  Comme avec un point de divergence, l’énergie de l’Esprit  peut être faite de façon à couler négativement ou positivement dépendant en cela d’une seule pensée. Si les pensées mauvaises sont provoquées l’énergie de l’Esprit peut devenir destructrice. Si de bonnes pensées sont soulevées, l’énergie de l’Esprit se répandra d’une façon positive, comme vers un monde d’amour et d’harmonie.
 La neurochimie le confirme. Car les scientifiques ont découvert et largement publié des preuves que les processus de pensée positive  stimule la production d’hormones bénéfiques appelée endorphines.  Ils ont découvert combien les pensées positives peuvent même accélérer les processus de cicatrisation et même prévenir la croissance ou la dissémination de certains cancers. De même de bons gènes peuvent être produits. Les pensées négatives affaiblissent le système immunologique, stressent le cœur et cause toute une variété de maladies.
Ce type de mouvement de l’Esprit qui crée l’onde de De Broglie vue dans l’expérience de Louis de Broglie, rend possible la communication avec des existences spirituelles de toutes sortes dans l’univers. La bonne matière est faite de bonnes pensées, produit de bonnes ondes et la rencontre avec des créatures spirituelles, ce qui a une influence positive sur son environnement. Des phénomènes mystiques tels que la télépathie en sont un exemple.
Des efforts continuels vers la purification de la pensée conduiront à une immense transformation à l’intérieur de son propre corps. La purification de la pensée fait naître la purification de l’Esprit et du corps. A travers la méditation et les autres formes de pratique spirituelle intense, on peut même allonger sa propre vie et diminuer la production d’hormones induisant le stress, ce qui a été prouvé par une diminution de la mortalité allant jusqu’à 50% chez les pratiquants actifs d’une religion.
Le monde de la matière que nous appelons l’univers est, ostensiblement, une formulation des pensées. En d’autres mots, il résulte du travail karmique de tous les êtres sensibles. Le monde dans lequel les êtres sensibles vivent est un monde que nous avons fait. En ce sens, nous, qui vivons dans ce même monde, pourrions penser de nous-mêmes en tant qu’êtres qui participent pleinement dans un monde ou une existence qui provient de notre propre fabrication.
L’inconscient collectif est l’information commune qui existe en tant que potentiel dans l’inconscient des êtres sensibles qui possèdent une expérience karmique partagée ou similaire.

Le royaume des étoiles dans l’univers sans limite est la résidence des êtres sensibles qui sont sur le chemin de l’illumination. Les différentes étapes du monde comme le monde de l’enfer, des Esprits affamés, des bêtes, des Asuras, de l’humanité, du Ciel, du Sravaka, du Pratyeka-Bouddha, des boddhisattvas et du Bouddha apparaît différemment selon les degrés de purification de leur pensée. Dépendant du degré de purification, non seulement leurs pensées et leur Esprit mais aussi de nombreux phénomènes sont formés. La forme de ces êtres qui portent un karma grossier prend la forme de la matière physique. Néanmoins, les êtres qui portent un karma léger prennent une sublime forme physique invisible. En tant que tel, le Soutra de la guirlande de fleurs enseigne que le chemin dans lequel toute matière existante est définie par divers êtres sensibles est déterminé par le degré selon lequel leur pensée a progressé.
En accord avec la cosmologie bouddhique, le monde habité par les êtres sensibles est divisé en trois royaumes : le monde du désir sensuel, celui de la forme, et le monde sans-forme du pur Esprit.
Selon les enseignements du Soutra de la guirlande de fleur, si les 3 royaumes devaient être rétablie  à la dixième année lumière dans la voie lactée, le système galactique en forme de vortex pourrait être expliqué comme un cercle concentrique à trois dimensions. Commençant par la surface extérieure et allant vers le cœur les trois royaumes consistent  du royaume du désir, le royaume de la forme, et le royaume sans-forme. Bien que les formes de vie existent dans les trois royaumes, il y a de notables différences selon les conditions d’existence, dont des différences entre la longueur des jours et des nuits. Par exemple, cinquante ans sur la terre seraient seulement  un seul jour dans le ciel des quatre rois Dévas, cent ans sur la terre seraient un jour dans ls ciel des 33 Dieux, deux cents ans seraient un jour dans le ciel du dieu Yama, 400 ans seraient un jour dans le ciel de Tusita Deva, etc. Plus on va profondément dans le cœur de la voie lactée, plus la vie est allongée, et si en dehors du royaume de la forme, une unité de vie est comptée en unités de Kalpa (éon), le sutra révèle que des formes de vie existant en dehors du royaume du sans-forme ont une étendue de vie plus longue que 10 000 kalpas. Un seul kalpa, en fait, est une unité de mesure qui peut grossièrement être traduit par un éon.

Il y a de nombreuses personnes  qui considéreraient que ce discours est une sorte de fantaisie, mais cela n’est pas le cas. Les découvertes  de l’astrophysique contemporaine sont remarquablement similaire à ce qui est écrit dans le Soutra de la guirlande de fleurs.
Par exemple si 50 000 personnes étaient debout main dans la main, avec une distance d’une main à l’autre de 1 m, ils couvriraient une distance de 50 km. Si cette longue ligne commençait à tourner autour d’un point central, la personne la plus proche de l’extérieur tournerait à une vitesse bien plus rapide  que ceux du centre. Si on s’approche du centre la vitesse de révolution diminue. Si cela était converti à l’axe de rotation et de révolution ??? la vitesse de rotation et les cycles de révolution des étoiles sur les bords extérieurs seraient considérablement plus rapide, et ceux près du centre seraient plus lents. En conséquence, 100 ans sur la terre seraient un jour pour les étoiles et donc il y aurait des étoiles pour lesquelles 1000 ans seraient un jour.
Si la vitesse de révolution est rapide, la force de cohésion moléculaire devient plus forte  et les états solides, liquides et gazeux d’existence sur les étoiles prennent des formes corporelles avec des forces de cohésions fortes.
La vitesse de révolution plus lente près du centre de la voie lactée signifierait que les êtres sensibles là bas auraient une force de cohésion moléculaire plus faible et donc prennent une forme proche de l’état gazeux.
Les êtres sensibles  sur terre n’ont, pour la plus grande partie, pas plus de 2 mètres de haut (à l’exception des baleines, éléphants, girafes, et les dinosaures du temps passé) parce que c’est leur capacité  de lutter contre les forces centripètes et centrifuges. Si les forces centripètes et centrifuges devaient diminuer les personnes grandiraient à des hauteurs inimaginables.  Cela peut être pris en compte  quand nous lisons dans le Soutra au sujet des êtres sensibles mesurant 10 km de haut dans les niveaux supérieurs du Ciel appartenant au royaume du sans-forme.
C’est dans ce sens que tous les êtres sensibles des trois royaumes vivant différentes vies dans différents pays peuvent être attribuables à la différence de pensée.

3 ) Purification de la pensée erronée
Il y a quelque temps, plusieurs moines dirigeant des cercles bouddhiques coréens se sont rencontrés à Séoul. Le sujet de cette réunion était de savoir quelle est la chose la plus précieuse pour les moines et les croyants laïcs. Les débats parmi les participants, qui avaient enseigné à des laïcs en pratiquant eux-mêmes pendant des décennies furent très sincères. Le résultat atteint dans cette réunion fut l’importance de la pensée. Tout dépend de son propre Esprit. Sans perception, il n’y a rien.
Une différence dans ses pensées fait la différence entre le Bouddha et les êtres sensibles.  Celui ou celle qui est illuminé(e) sur la véritable nature de son Esprit est un Bouddha. Ceux qui sont ignorants de leur Esprit sont des êtres sensibles. Le Surangama Soutra le souligne.

  1. pourquoi avons-nous besoin de nous cultiver ?
  2. pourquoi avons-nous besoin de pratiquer les 6 perfections en donnant en gardant les préceptes, la patience, le zèle, la méditation et la sagesse ?
  3. Pour quoi devons nous prier ?        

 

Il va sans dire que ces activités sont destinées à faciliter l’atteinte de l’illumination par la purification de l’Esprit et l’élimination de la pensée erronée. Toute chose dans l’univers n’est rien d’autre que la manifestation du Bouddha, le corps de vérité. Par l’illumination, nous pouvons reconnaître que toute existence dans le monde est une manifestation du Bouddha. Néanmoins la pensée erronée nous fait retomber dans le royaume des êtes sensibles qui transmigrent encore et encore ;

Nous sommes tous des incarnations du Bouddha. Aussi vite que nous reconnaissons que chacun d’entre nous est une incarnation du Bouddha, nous devenons Boddhisattvas dans le Mahayana ; nous devenons Bouddhas ; et nous, hommes et femmes de grand courage et foi, devenons des êtres spirituels qui peuvent conduire tous les êtres sensibles vers le monde du nirvana. L’accomplissement de l’illumination nous fait renaître en tant qu’incarnation du Bouddha dans le royaume de l’ignorance, donc nous conduisant au royaume de l’unité avec l’univers.

Le monde spatial et temporel dans lequel nous vivons est développé à partir du monde surnaturel du Bouddha, qui est au-delà du temps et de l’espace. Cela signifie que la nature originale des êtres sensibles est égale à celle du Bouddha. Notre nature est l’Esprit du Bouddha et le Bouddha est la nature de l’Esprit. Le maître zen Majo disait : l’Esprit est Bouddha, le Bouddha est l’Esprit. Mais nous sommes ignorants de cette réalité fondamentale donc nous nommant « êtres sensibles ». Le chemin de la pratique  ou le chemin pour devenir un Bouddha est le chemin de l’illumination, le chemin surnaturel au-delà du temps et de l’espace, et un chemin épineux atteignable seulement à travers la ferme conviction que nous nature n’est pas autre que le Bouddha. C’est la raison pour laquelle différentes voies sotériologiques (= de salut), incluant la méditation, la contemplation, la prière, le chant du nom de Bouddha et différents mantras (dharani) sont destinés à nous libérer des restrictions illusoires du temps et de l’espace.

De telles pratiques comme la méditation, la contemplation et la prière ont pour but l’élimination de la pensée erronée, nous conduisant donc à être uni avec le Bouddha et la réalité ultime. Toutes sortes de pratiques ont pour but de conduire les pratiquants vers leur nature originelle en contrôlant leur Esprit et en détruisant la pensée erronée.
Comment le zèle constant peut-il nous assurer la paix et la sécurité ? Pourquoi la prière peut-elle nous assurer des résultats méritoires ? c’est  parce que nous pouvons éliminer l’ignorance par la dévotion et la prière, nous faisant donc entrer dans le royaume du Bouddha, le domaine de la Brillance, et le monde du Nirvana. C’est pourquoi l’essence de la pratique repose dans la purification de la pensée erronée. La pensée purifiée peut détruire les trois royaumes d’existence et les six états transmigratoires. Cela peut aussi transformer les êtres sensibles  en êtres illuminés.

Nous pouvons expérimenter que la prière sincère avec une foi et une conviction fermes peut nous permettre d’être unis avec l’univers et même dans de rares cas, d’être capable de prévoir le futur. Cela signifie que les innombrables éons (kalpas) sont en une pensée et qu’une pensée embrasse d’innombrables éons.  Cela signifie aussi  que le degré d’illumination est proportionné à la profondeur de la  foi et la sincérité de la prière. Parce que d’innombrables éons sont en une pensée, nous ne devrions pas oublier qu’une pensée est en principe reliée au monde invisible. Nous devrions aussi garder à l’Esprit que notre fortune dépend de notre façon de penser et que notre pensée détermine notre existence.

La façon de penser de quelqu’un détermine son futur. C’est la raison pour laquelle une pensée est importante. Vous ne devriez pas oublier que votre destin dépend de la qualité de votre pensée à chaque instant. Comment gardez vous cela à l’Esprit, maintenant ? Penser correctement est l’essence de l’enseignement du Bouddha. C’est aussi la voie pour devenir un Bouddha.
Pensée après pensée se suivent et la pensée poursuivie forme la force habituelle. Un proverbe coréen dit qu’« une habitude acquise à l’âge de trois ans continue jusqu’à 80 ans ». Cela signifie qu’une habitude de l’enfance est difficile à arrêter même dans le grand âge, ainsi, il va sans dire, que les forces habituelles accumulées depuis le commencement forment nos vies. Néanmoins nous pouvons commencer  à corriger des états mentaux défectueux implantés depuis longtemps par des efforts continuels. Même si c’est une force habituelle insignifiante si cela n’est pas corrigé  immédiatement, cela peut par inadvertance devenir une habitude incurable. En particulier, des influences de la loi d’action (=du karma)  comme  l’attirance sexuelle d’une personne pour une autre ou l’appétit des vers de terre pour les excréments humains sont très difficiles à guérir. L’influence de l’action nous tourmente toujours dans la vie quotidienne, nous rend captifs des désirs, et nous lie aux chaînes de la transmigration sans fin.

A travers les siècles, les moines pratiquant dans n’importe quelle tradition spirituelle se sont engagés dans le célibat de manière à supprimer l’influence du karma à sa racine. L’influence du karma est si forte qu’ils ont à se cultiver eux-mêmes  avec la plus extrême sincérité.  Une grande variété de souillures, pensées erronées, et désirs sexuels  est les produits du karma qui doivent être éliminés par la pratique. L’élimination durable de pensée fausse et souillures par la pratique assurera  la purification de la pensée, détruisant à la longue l’influence du karma. En accord avec cela, la méditation se réfère à une manière d’éliminer sa propre pensée erronée par la cessation des illusions par la pratique sans répit de la claire observation. [ou vision pénétrante]

4) la structure de l’Esprit.
Le système de pensée de l’école de la conscience-seulement, qui peut être appelée psychologie bouddhiste, classe la conscience humaine en six types de conscience. (visuelle, auditive, olfactive, gustative, tactile et mentale) : la septième conscience : manas et la huitième : alayauijnana. Les six consciences, l’Esprit discriminant, est un produit de la fausse pensée accumulée depuis le passé sans commencement. Cette conscience discriminante nous a conduit à s'accrocher à la septième conscience, la conscience pensante et calculante, qui a été stockée dans le huitième conscience, la conscience-magasin en tant que source de l’ activité mentale. Par conséquent, l’essence de la pratique bouddhiste repose dans la purification de la pensée erronée, puis des six consciences, puis de  la septième conscience et finalement de la huitième conscience, dans l’ordre.
Dans le processus de pratique de purification, nous sommes sujets à rencontrer différents types d’obstacles, appelés les obstacles de Mara, activité mentale trompeuse qui provoque des conflits dans nos Esprits. L’Esprit de vivre à l’aise et confortablement et l’Esprit rétif aux circonstances changeantes sont exemples de ce type.
De façon à se libérer soi-même de différents types d’obstacles du mauvais karma, nous avons souvent à supporter  des difficultés spirituelles. C’est à cause d’une quantité de souillures accumulées au cours d’innombrables éons qui ne partent pas immédiatement.
Toutes les traditions spirituelles sont d’accord sur ce point. Les anciens Grecs, les communautés esséniennes  d’où venaient Jésus et Jean-Baptiste, les groupes gnostiques primitifs, ainsi que de nombreux courants orthodoxes juifs ou musulmans pressaient leurs pratiquants de se libérer eux-mêmes des liens mentaux habituels par  une discipline sévère du corps, de la parole et de l’Esprit. Le bouddhisme n’est pas le seul à le réclamer.

Selon le bouddhisme, néanmoins, le besoin de restreindre et ultimement de purifier nos tendances karmiques reçoit la plus grande attention.
La purification de la pensée erronée basée sur une foi et une conviction fermes est le meilleur moyen de détruire les obstacles karmiques et d’atteindre l’illumination. Les écritures bouddhiques indiquent que même Siddartha Gautama eut à combattre des obstacles sans nombre pour arriver au stade final et devenir un être totalement réalisé ou Bouddha. Par conséquent nous avons à pratiquer avec une ferme résolution  pour vaincre des obstacles karmiques.

Le nirvana signifie l’état pacifié de l’Esprit, dans lequel toutes sortes de souillures mentales sont éliminées. Cela fait aussi allusion au royaume de l’unité entre le sujet et l’objet, ou entre les êtres sensibles et le bouddha, qui est atteignable par le renoncement à la pensée erronée.

La théorie de l’école de la conscience seulement du bouddhisme coréen partage un point en commun avec le génie génétique. Notre mémoire, remplie, avec les mémoires et les souvenirs sensoriels accumulés sur d’innombrables kalpas  se développe sur 6 milliards de gènes par chromosomes. Chaque gêne opère sur un système marche arrêt  et six milliards de gènes sur chaque chromosome produit une information qui est équivalente à 260
Selon cette perspective, nous pouvons dire que l’inconcevable quantité d’information des chromosomes dans l’ovule et le spermatozoïde dont la fusion permet la création de notre corps est le résultat de la transformation pendant d’innombrables éons.
La forme est le vide et ce qui est vide est forme. Les résultats obtenus par des scientifiques prouvent aussi qu’une pensée est liée à la formation des gènes. Donc nous pouvons reconnaître qu’une pensée développe aussi des mutations génétiques et sert de déterminant pour la formation de son propre corps et par extension à celui de sa postérité.

L’existence est le produit du karma et le karma exerce une influence sur les gênes, le plan du monde matériel, dans n’importe quel sens, constituant donc la forme matérielle. D’après les scientifiques, le processus de développement d’un bébé de l’embryon au fœtus dans le ventre de la mère, pendant 280 jours et plus, répète celui du protozoaire, des poissons, des amphibiens, des reptiles et des mammifères. En d’autres mots, d’une simple cellule, chacun d’entre nous répète le processus de l’évolution dans son entièreté, passant de l’état monocellulaire à celui de mammifère avant d’apparaître dans le monde.  C'est-à-dire que l’ontogénie répète la phylogénie. Ceci est un autre exemple de l’influence karmique. Une pensée détermine tout, y compris la formation des gènes chromosomiques aussi bien que la fortune de l’humanité.

5) le royaume antérieur à une pensée
Le fruit de la Bouddhéité, la restauration de l’éternité, peut être atteint par la purification de Une pensée ou par l’extinction du karma. C’est ce que j’ai mentionné jusqu’à présent.

Maintenant, je voudrais vous présenter le royaume antérieur à une pensée.  Le royaume antérieur à une pensée qui est souvent rattaché à la véritable nature des êtres sensibles avant la naissance, signifie le monde avant le temps et l’espace. J’aimerais dire que les traditions de la pratique bouddhiste coréenne sont largement centrées sur le retour au royaume antérieur à une pensée.

Comme je l’ai dit plus tôt, en raison d’une pensée d’ignorance, ce monde de différentiation  a évolué à partir du monde de l’Absolu. D’où la souffrance de la transmigration perpétuelle et cyclique des êtres sensibles. Tout naturellement, je vous ai dit que la bouddhéité pouvait être accomplie en coupant le karma. Néanmoins vous devriez accéder au royaume antérieur à une pensée à la longue (in the long run). C'est-à-dire que à moins de réaliser ce royaume vous ne réaliserez jamais la parfaite illumination.

Vous pouvez présumer, comme c’est souvent le cas, que le royaume antérieur à une pensée n’est rien d‘autre qu’un monde sombre, brumeux, stupide à cause de l’impression superficielle. Des enseignements bouddhistes tel que le vide et le nirvana sont pratiquement toujours interprétés comme des négations ou ayant des connotations négatives. Au contraire, ce royaume est la scène où un être sensible fusionne avec  toutes les choses de l’univers où la vraie nature d’un être sensible se révèle elle-même. En bref, c’est le monde de la nature de Bouddha. Le sixième patriarche Hui-neng s’exprime de la façon suivante  au moment de son illumination (quand il vit la vraie nature de l’Esprit ou de la nature de Bouddha)

  1. qui aurait pu penser que la vraie nature de l’Esprit est intrinsèquement pure !
  2. qui aurait pu penser que la vraie nature de l’Esprit est libre de production et d’extinction !
  3. qui aurait pu penser que la vraie nature de l’Esprit est auto-suffisante !
  4. qui aurait pu penser que la vraie nature de l’Esprit est libre de changement !
  5. qui aurait pu penser que toutes choses sont la manifestation de la vraie nature de l’Esprit

 

Dans le royaume antérieur à une pensée, je suis sûr, vous trouverez la vraie nature de l’Esprit. Quand vous serez illuminés sur le royaume, il est dit que vous avez vu la vraie nature ou la nature de Bouddha ou que vous avez réalisé la Bouddhéité ou que vous êtes devenus un Bouddha. Le royaume est au-delà des mots et de la pensée conceptuelle. Cela nie les spéculations humaines. C’est si profond que vous ne pouvez pas détecter sa profondeur avec vos organes des sens ordinaires. Comme c’est immesurable vous ne pouvez pas imaginer ses limites. Même ainsi par la vertu de l’illumination de ce royaume, toutes les souffrances des êtres sensibles, nées de l’ignorance, n’existeront plus, à la place la félicité du nirvana prendra naissance.

Il y a différentes façons de réaliser cette superbe  expérience : le bouddhisme coréen à travers sa longue histoire a hérité de différentes méthodes pratiques.  Par exemple, vous pouvez réciter un nom de Bouddha, chanter des mantras, lire les écritures, ou pratiquer la méditation assise.  Vous ne pouvez pas placer une de ces méthodes au-dessus les autres parce qu’il y différentes méthodes pour obtenir le Samadhi  qui est un état dans lequel la nature de Bouddha est manifesté. Comme ils ont leur propre mérite, vous pouvez sélectionnez celle qui vous convient en fonction de votre goût et des circonstances.

6) la voie du disciple de Bouddha : foi et l’état de désir (wishfulness)
En conclusion, j’aimerais insister sur une chose : l’Esprit de Bodhisattva.
Sans l’attitude miséricordieuse et charitable de l’Esprit de Bodhisattva, toute pratique bouddhiste  n’a aucun sens comme un château de cartes qui serait construit sur du sable. Une pratique solitaire dans une retraite loin de la ville, comme beaucoup de moines le font aujourd’hui, est aussi un bon mode de vie même pour un Bodhisattva. De la même manière, une vie parmi le peuple, avec lequel il parle et pratique l’enseignement de Bouddha sur un marché peut être aussi une bonne pratique de Boddhisattva.

Un Boddhisattva, comme vous pouvez le savoir, est quelqu’un qui, au moment d’atteindre l’illumination complète, retarde celle-ci pour délivrer tous les êtres sensibles des souffrances du Samsara (transmigration cyclique). Il y a un nombre infini de Boddhisattva dans ce monde qui se dévoue pour le salut des êtes sensibles à ce moment précis. La pratique du Boddhisattva  peut être caractérisée par la foi et le état de désir. Nous pouvons approcher le royaume de du Bouddha par la purification de la pensée erronée ou en réduisant les forces rétributives du karma accumulées. Certains pratiquants entreprennent de douloureuses pratiques en vue de réaliser le royaume antérieur à une pensée. Néanmoins, toutes ces pratiques et des vies de bouddhistes dévotionnels portent des fruits quand elles sont soutenues par la foi et le état de désir.

Bien que partageant quelques points communs, la foi bouddhiste est tout à fait différente de celle du monothéisme. La foi bouddhiste implique que tous les êtres sensibles possèdent la nature de Bouddha. Pour cette raison, nous sommes déjà intrinsèquement des êtres illuminés.  C’est la définition de la foi bouddhiste. Toutes les pratiques  commencent  dans la foi dans la vérité. Et la foi dans la vérité accompagne la foi dans le Bouddha n’est pas autre que la foi dans la vraie nature de l’Esprit à l’intérieur de nous-mêmes, et en même temps la foie dans la vérité que toutes les choses de l’univers sont le Bouddha. La foi génère des forces conduisant les êtres sensibles à un monde spirituel élevé, et c’est le monde de Bouddha.

L’état de désir est une sorte de désir ou d’aspiration. Mais ce n’est pas un désir ordinaire comme dans la vie de tous les jours. C’est un désir sans motivation égoïste impliquée. C’est un désir non pour son propre bénéfice mais pour le bien être de tous les êtres sensibles. C’est pourquoi une compassion incommensurable pour les êtres sensibles réside dans le désir des pratiquants bouddhistes.

La détermination des pratiquants ne peut pas être si décisive s’il n’y avait pas  en eux une foi  sérieuse dans le Bouddha.
Sans compassion pour tous les êtres sensibles, qui est dérivée de la perception que tous les êtres sensibles sont une seule et même chose, la vie des pratiquants ne seraient pas accomplie. Cela est appelé pour cette raison foi et état de désir.

Texte publié sur le site du Dr Aly Abbara après l'obtention de l'aimable autorisation du vénérable Ji Kwang
et du Dr Patrice Josset, Maître de conférences des Universités, Chargé de cours de l'histoire de la médecine
et Conservateur du Musée Dupuytren / UPMC Centre des Cordeliers Paris ; France.
Images prises et retouchées par Dr Aly Abbara.
Il s'agit des images prises au « Temple Liurong si ou le monastère des six Banians » à Canton, en Chine ;
il été fondé au 6esiècle et reconstruit au 10e siècle avec sa pagode octogonale à neuf étages
(55 mètres de hauteur) dite la pagode des fleurs. Ce temple est le siège de l'association bouddhique de Canton.
 
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