Littérature mythologique du Moyen-Orient
La Descente d'Ishtar aux Enfers
La version babylonienne
Consulter aussi :
La version babylonienne en arabe
La version sumérienne (en français)
La version sumérienne (en arabe)

Ishtar ('Ishtar), Inanna :
une divinité du Panthéon Moyen-Oriental (depuis le quatrième millénaire avant Jésus-Christ). Fille de Sin (la lune) dans le Panthéon akkadien et babylonien ; elle représente la planète Vénus. Elle est "la Reine du ciel" "La déesse des champs et les dépôts des dattes et les produits de l'agriculture et du pâturage". Elle aussi la déesse de la guerre et des batailles ; la déesse protectrice des prostituées sacrées.
Elle épouse le dieu-berger (Dummuzi ou Tammuz). Un jour elle décide de descendre au monde inférieur (les enfers) pour prendre le pouvoir sur ce monde détenu par sa sœur (Ereshkigal) ; elle échoue et perd la vie.
Le monde supérieur (le monde des vivants), en son absence, perd sa force fertile ; donc il a fallu l'intervention du seigneur des dieux (Éa) pour lui rendre la vie et l'extraire du monde des morts, mais en échange, elle était obligée de choisir un vivant pour prendre sa place aux Enfers ; pour cela elle délivre son époux (Tammuz) aux diables qui l'emmènent aux mondes des morts.
Regrettant plus tard la perte de son époux Tammuz, elle obtient des dieux l'autorisation de son retour cyclique parmi les vivants pour redonner à la vie sa puissance fertile.
Ce mythe permettait d'expliquer aux humains la succession des saisons et les différentes modifications de la nature au cours du déroulement de l'année ; à l'automne et à l'hiver, Tammuz est absent parmi les vivants, et à son retour (le printemps et l'été) la vie réapparaître sur terre.

Au Pays-sans-retour, le domaine d'Éreshkigal,
Ishtar, la fille de Sîn, décida de se rendre
Elle décida de se rendre, la fille de Sîn,
En la Demeure obscure, la résidence d'Irkalla,
En la Demeure d'où ne ressortent jamais
Ceux qui y sont entrés,
Par le Chemin à l'aller sans retour,
En la Demeure où les arrivants
Sont déprivés de lumière,
Ne subsistant plus que d'humus, alimentés de terre,
Affalés dans les ténèbres, sans jamais voir le jour,
Revêtus, comme des oiseaux, d'un accoutrement de plumage,
Tandis que la poussière s'entasse
Sur verrous et vantaux.
Chez la divinité souveraine de l'« Immense-Terre »
La déesse qui siège en l'Irkalla,
Chez Éreshkigal, souveraine de l'immense-Terre,
La déesse qui réside en l'Irkalla,
En cette propre demeure d'Irkalla
D'où ne reviennent plus ceux qui s'y rendent,
Ce lieu où il n'y a de lumière pour personne,
Cet endroit où les morts sont couverts de poussière,
Cette demeure ténébreuse
Où les astres ne se lèvent jamais,
La fille de Sîn décida de se rendre!
Elle rumina et résolut de partir
<Par le Chemin > à l'aller sans retour...

Arrivée à la porte du Pays-sans-retour,
Elle adressa ces mots au gardien de la porte :
- Gardien! Ouvre ta porte !
Ouvre ta porte, que j'entre, moi qui te parle!
Si tu ne me laisses pas entrer,
Je martèlerai la porte, à en briser les verrous;
J'en secouerai les montants, à en démolir les vantaux,
Et je ferai remonter les morts,
Qui dévoreront les vivants,
Tant et si bien que les morts
Dépasseront en nombre les vivants!

Le gardien ouvrit donc la bouche, prit la parole
Et s'adressa à la puissante Ishtar :
« Madame, reste là, ne quitte point la porte :
Je vais t'annoncer à la reine Ereshkigal ! »

Il entra donc et s'adressa à Éreshkigal :
- Il y a là, dit-il, ta "sœur" Ishtar,
Qui attend à la porte,
Celle qui joue (?) à la grand- Corde-à-rauter
Et qui révolutionnerait l'Apsrû, jusqu'en présence d'Éa !

Lorsque Éreshkigal eut ouï cette adresse,
Son visage blêmit comme un rameau coupé
Et, tel un éclat de roseau (?), ses lèvres s'assombrirent!
Que me veut-elle ? Qu'a-t-elle encore imaginé ?
le veux banqueter en personne en compagnie des Anunnaki
(Doit-elle se dire) :
M'alimenter comme eux de terre,
Et m'abreuver d'eau trouble ;
Déplorer le destin
Des jeunes-hommes enlevés à leurs épouses,
Des jeunes-femmes arrachées à leurs maris,
Et des bébés expédiés avant leur heure!"
Va lui ouvrir la porte, gardien,
Mais traite-la selon la règle antique de l'Enfer!

Le gardien s'en fut donc, et lui ouvrit la porte :
« Entre, Madame (lui dit-il),
Kutû se réjouit de t'accueillir!
Le palais du Pays-sans-retour
Est tout heureux de ta visite ! »
L'introduisant alors par la première porte, il lui ôta
Et confisqua la grand-Couronne de sa tête.
«Pourquoi (dit-elle), ô gardien,
Emportes-tu la grand-Couronne de ma tête ?
- Entre, Madame! Telle est la règle
Posée par la souveraine d'Enfer!»
L'introduisant par la seconde porte, il lui ôta
Et confisqua ses Boucles d'oreilles.
« Pourquoi (dit-elle), ô gardien,
Emportes-tu mes Boucles d'oreilles ?
- Entre, Madame! Telle est la règle
Posée par la souveraine d'Enfer! »
L'introduisant par la troisième porte, il lui ôta
ET confisqua son Collier de perles.
« Pourquoi (dit-elle), ô gardien,
Emportes-tu mon Collier de perles ?
- Entre, Madame ! Telle est la règle
Posée par la souveraine d'Enfer! »
L'introduisant parla quatrième porte, il lui ôta
Et confisqua le Cache-seins de sa poitrine.
« Pourquoi (dit-elle), ô gardien,
Emportes-tu le Cache-seins de ma poitrine ?
- Entre, Madame! Telle est la règle
Posée par la souveraine d'Enfer! »
L'introduisant parla cinquième porte, il lui ôta
Et confisqua la Ceinture de pierres-fines de ses lombes.
« Pourquoi (dit-elle), ô gardien,
Emportes-tu la Ceinture de pierres-fines de mes lombes ?
- Entre, Madame ! Telle est la règle
Posée par la souveraine d'Enfer! »
L'introduisant par la sixième porte, il lui ôta
Et confisqua ses Anneaux de mains et de pieds.
« Pourquoi (dit-elle), ô gardien,
Emportes-tu mes Anneaux de mains et de pieds ?
- Entre, Madame ! Telle est la règle
Posée par la souveraine d'Enfer! »
L'introduisant par la septième porte, il lui ôta
Et confisqua le Manteau-d'apparat qui lui couvrait le corps
« Pourquoi (dit-elle), ô gardien, Emportes-tu le Manteau-d'apparat qui me
couvre le corps?
- Entre, Madame! Telle est la règle Posée par la souveraine d'Enfer! »

Sitôt Ishtar ainsi descendue
Éreshkigal, qui Au tréfonds du Pays-sans retour,
À sa vue, Éreshkigal entra en fureur,
Et, inconsidérément, Ishtar se jeta sur elle!
Mais Érshkigal ouvrit la bouche, prit la parole
Et adressa ces mots à Namtar, son lieutenant ;
« Va, Namtar !
Lâche sur elle les Soixante maladies :
Les maladies des yeux sur ses yeux!
Les maladies des bras sur ses bras!
Les maladies des pieds sur ses pieds!
Les maladies des entrailles sur ses entrailles!
Les maladies de la tête sur sa tête !
Lâche-les sur son corps tout entier! »

Or, une fois Ishtar [ainsi retenue en Enfer],
Voici que nul taureau ne montait plus de vache,
Nul baudet ne fécondait plus d'ânesse,
Nul homme n'engrossait plus de femme, à
son gré:
Chacun dormait seul en sa chambre
Et chacune s'en allait coucher à part!
C'est pourquoi Papsukkal, lieutenant des grands-dieux,
Préoccupé et inquiet,
Habillé et coiffé de deuil,
S'en vint, désemparé,
Pleurer (en vain) devant Sîn, le père d'Ishtar!
Puis il laissa découler ses larmes
Devant Éa-le-souverain :
« Ishtar (leur disait-il), descendue en Enfer,
N'en est pas remontée !
Et depuis qu'elle est ainsi partie
Au Pays-sans-retour,
Voici que nul taureau ne monte plus de vache,
Nul baudet ne féconde plus d'ânesse,
Nul homme n'engrosse plus de femme, à son gré :
Chacun dort seul en sa chambre,
Et chacune s'en va coucher à part! »

Alors, Éa, dans sa profonde intelligence, eut une idée :
Il créa Âsu-su-namir, l'Inverti (et lui dit) :
- Va, Âsu-su-namir! Porte tes pas
Vers l'entrée du Pays-sans-retour,
Et qu'une fois ouvertes devant toi les Sept portes,
Éreshkigal, à ta vue, soit égayée!
Sitôt son coeur jovial et son esprit de bonne humeur,
Soutire-lui un serment par les grands-dieux.
Puis enhardis-toi et jette les yeux sur l'Outre :
- Madame (lui diras-tu),
Qu'on m'accorde de m'abreuver à l'Outre!"»
A ces mots, Éreshkigal
Se frappa les cuisses, de dépit,
Et se mordit les doigts, de rage :
- Tu m'as demandé là (dit-elle), quelque chose d'interdit!
Eh bien ! je vais porter contre toi, Â.su-su-namir,
Une grande malédiction,
Et t'assigner à jamais un pénible destin ;
Désormais ta pitance
Sera celle produite parles "charrues-de-ville",
Et ta boisson, celle tirée de caniveaux de la ville.
Tu ne stationneras .
Que dans les renfoncements des remparts
Et ne demeureras qu'au seuil des portes.
Ivrognes et soiffards te souffletteront à leur gré!

Puis Éreshkigal rouvrit la bouche, reprit la parole
Et adressa ces mots à Namtar, son lieutenant :
- Va faire ouvrir, Namtar, la porte de l'Égalgina,
Parsèmes-en le seuil de coquilles apotropéennes,
Et convoque les Anunnaki
Pour les y faire siéger sur leurs cathèdres d'or!
Puis asperge Ishtar d'eau vitale et amène-la-moi!

Namtar s'en alla donc
Faire ouvrir la porte de l'Égalgina, Dont il parsema le seuil de coquilles apotropéennes ;
Et, après avoir convoqué les Anunnaki,
Il les y fit siéger sur leurs cathèdres d'or!
Puis Ishtar, aspergée d'eau vitale,
Il l'amena devant Éreshkigal.

Quand il lui fit franchir la première porte, il lui restitua
Le Manteau-d'apparat qui lui couvrait le corps.
Quand il lui fit franchir la deuxième porte, il lui restitua
Ses Anneaux de mains et de pieds.
Quand il lui fit franchir la troisième porte, il lui restitua
La Ceinture de pierres fines de ses lombes.
Quand il lui fit franchir la quatrième porte, il lui restitua
Le Cache-seins de sa poitrine.
Quand il lui fit franchir la cinquième porte,
Son Collier de perles. il lui restitua Quand il lui fit franchir la sixième porte, il lui restitua
Ses Boucles d'oreilles.
Quand il lui fit franchir la septième porte, il lui restitua
La grand-Couronne de sa tête!

- Que si elle ne te fournit pas un remplaçant,
Ramène-la !

Pour ce qui est de Tammuz, "l'époux" de terre son premier amour,
Fais-le se laver d'eau claire, se frotter de parfum,
Se revêtir d'une tenue d'éclat :
Qu'il batte de la Baguette bleue
Et que des filles de joie lui animent le coeur!

Or, Belili, ayant parachevé sa parure,
Sa poitrine était recouverte
D'un collier de perles d'onyx (?).
Lorsqu'elle ouït l'appel désespéré de son frère,
Elle arracha de son corps la parure
Et les perles d'onyx (?) qui lui recouvraient le giron :
« C'est mon unique frère (criait-elle) :
Ne me l'arrachez pas!

Lorsque remontera Tammuz
Baguette bleue et Cercle rouge
remonteront avec lui!
Remonteront, pour l'escorter, ses pleureurs et pleureuses.
  • Texte extrait de :
    • Jean Bottéro, Samuel, Noah Kramer. " Lorsque les dieux faisaient l'homme ". Editions Gallimard ; 1989 ; p: 319-324.
+++



aly-abbara.com
avicenne.info
mille-et-une-nuits.com
Paris / France