Littérature mythologique du Moyen-Orient
La Descente d'Ishtar (Inanna) aux Enfers
" La version sumérienne "
Consulter aussi :
La version sumérienne en arabe
La version babylonienne en arabe
La version babylonienne (en français)

Ishtar ('Ishtar), Inanna :
une divinité du Panthéon Moyen-Oriental (depuis le quatrième millénaire avant Jésus-Christ). Fille de Sin (la lune) dans le Panthéon akkadien et babylonien ; elle représente la planète Vénus. Elle est "la Reine du ciel" "La déesse des champs et les dépôts des dattes et les produits de l'agriculture et du pâturage". Elle aussi la déesse de la guerre et des batailles ; la déesse protectrice des prostituées sacrées.
Elle épouse le dieu-berger (Dumuzi ou Tammuz). Un jour elle décide de descendre au monde inférieur (les enfers) pour prendre le pouvoir sur ce monde détenu par sa sœur (Ereshkigal) ; elle échoue et perd la vie.
Le monde supérieur (le monde des vivants), en son absence, perd sa force fertile ; donc il a fallu l'intervention du seigneur des dieux (Enki) pour lui rendre la vie et l'extraire du monde des morts, mais en échange, elle était obligée de choisir un vivant pour prendre sa place aux Enfers ; pour cela elle délivre son époux (Tammuz) aux démons qui l'emmènent au monde des morts.
Regrettant plus tard la perte de son époux Tammuz, puis devant ses pleurs et les suplices de Geshtinanna (la sœur de Tammuz), elle décide que son retour au monde des vivants soit cyclique, tous les six mois, pour redonner à la vie sa puissance fertile ; durant ces six mois, sa sœur Geshtinanna le remplace dans le monde d'En-Bas.
Ce mythe permettait d'expliquer aux humains la succession des saisons et les différentes modifications de la nature au cours du déroulement d'une 'année ; à l'automne et à l'hiver, Tammuz est absent parmi les vivants, et à son retour (le printemps et l'été) la vie réapparaître sur terre.


Un jour, du haut du ciel, elle voulut partir pour l'Enfer
Du haut du ciel, la déesse voulut partir pour l'Enfer
Du haut du ciel, Inanna voulut partir pour l'Enfer
Madame quitta ciel et terre
Pour descendre au monde d'En-bas
Inanna quitta ciel et terre
Pour descendre au monde d'En-bas
Elle abandonna ses avantages
Pour descendre au monde d'En-bas!
Pour descendre au monde d'En-bas,
Elle quitta l'Éanna d'Uruk ;
Pour descendre au monde d'En-bas,

Elle quitta l'Émushkalama de Badtibira ;
Pour descendre au monde d'En-bas,
Elle quitta le Giguna de Zabalam ;
Pour descendre au monde d'En-bas,
Elle quitta l'Ésharra d'Adab ;
Pour descendre au monde d'En-bas,
Elle quitta le Baradurgara de Nippur ;
Pour descendre au monde d'En-bas,
Elle quitta le Hursagkalama de Kish ;
Pour descendre au monde d'En-bas,
Elle quitta l'Éulmash d'Akkadé!
Elle s'équipa des Sept Pouvoirs,
Après les avoir rassemblés et tenus en main
Et les avoir tous pris, au complet, pour partir!
Elle coiffa donc le Turban, Couronne-de-la steppe ;
Se fixa au front les Accroche-cœur;
Empoigna le Module de lazulite;
S'ajusta au cou le Collier de lazulite ;
Disposa élégamment sur sa gorge les Perles couplées ;
Se passa aux mains les Bracelets d'or ;
Tendit sur sa poitrine le Cache-seins « Homme! viens! viens! » ;
S'enveloppa le corps du pala, Manteau royal,
Et maquilia ses yeux du Fard « Qu'il vienne! Qu'il vienne ! ».

Inanna se mit donc en route pour le monde d'En-bas,
Et Ninshubur, son assistante, cheminait avec elle.
La sainte Inanna dit alors à Ninshubur :
« Viens çà! ma fidèle assistante de l'Éanna,
Mon assistante aux paroles habiles,
Ma messagère aux discours efficaces :
Me voici qui m'en vais dans le monde d'En-bas!
Lorsque j y serai parvenue,
Élève en ma faveur une lamentation de catastrophe :
Bats le tambour au siège de l'Assemblée ;
Visite tour à tour les résidences des dieux :
Lacère-toi les yeux ; lacère-toi la bouche,
Lacère-toi la croupe (?) provocante (?),
Et, telle une pauvresse, ne te vêts que d'un pan d'étoffe!

Puis, rends-toi en personne à l'Ékur, le temple d'Enlil :
Une fois entrée dans l'Ékur, le temple d'Enlil,
Devant Enlil répands des larmes, et dis-lui :
- "Ô vénérable Enlil, ne laisse pas tuer ta fille
Dans le monde d'En-bas!
Ne laisse pas mêler ton métal précieux
  A la terre du monde d'En-bas!
Ne laisse pas épanneler, comme bloc de carrier,
  Ta lazulite brillante !
Ne laisse pas équarrir ton Buis
  Comme bois de charpente !
Ne laisse pas la jeune Inanna
  Demeurer morte dans le monde d'En-bas!"

Que si Enlil te refuse son aide, va-t'en à Ur.
Là, une fois arrivée au temple "Soubassement-du-pays",
L'Ékishnugal de Nanna,
Devant Nanna répands des larmes, et dis-lui :
- Vénérable Nanna, ne laisse pas tuer ta fille
Dans le monde d'En-bas!
Ne laisse pas mêler ton métal précieux
  A la terre du monde d'En-bas!
Ne laisse pas épanneler, comme bloc de carrier,
  Ta lazulite brillante!
Ne laisse pas équarrir ton Buis
  Comme bois de charpente !
Ne laisse pas la jeune Inanna
  Demeurer morte dans le monde d'En-bas!

Que si Nanna te refuse son aide, va-t'en à Éridu.
Là, une fois entrée dans le temple d'Enki,
Devant Enki répands des larmes, et dis-lui :
- O vénérable Enki, ne laisse pas tuer ta fille
Dans le monde d'En-bas!
Ne laisse pas mêler ton métal précieux
  A la terre du monde d'En-bas!
Ne laisse pas épanneler comme bloc de carrier
  Ta lazulite brillante!
Ne laisse pas équarrir ton Buis
  Comme bois de charpente!
Ne laisse pas la jeune Inanna
   Demeurer morte dans le monde d'En-bas!
Le vénérable Enki, à l'ample intelligence,
Lui qui connaît nourriture-de-vie et breuvage-de-vie,
Me rendra certainement la vie!

Et Inanna s'en fut vers le monde d'En-bas,
Recommandant à Nirishubur, son assistante :
« Va donc, ô Ninshubur,
Et n'oublie pas ce que je t'ai ordonné!  »

Arrivée au palais de Ganzer, Inanna
Heurta d'un poing menaçant l'huis du monde d'En-bas
Et interpella le palais du monde d'En-bas
D'une voix agressive :
« Ouvre donc le palais, Pêtû! Ouvre le palais :
J'y veux pénétrer en personne! »
Et Pêtû, portier-en-chef du monde d'En-bas,
De répondre à la sainte Inanna :
« Eh bien! Qui es-tu, toi'?
- Je suis la reine du Ciel,
De là où le soleil se lève!
- Si tu es la reine du Ciel,
De là où le soleil se lève,
Pourquoi être venue au Pays-sans-retour?
Pourquoi ton cœur t'a t-il poussée
Sur le chemin que nul ne rebrousse? »
Et la sainte Inanna lui repartit alors :
« C'est pour Éreshkigal, ma soeur aînée,
Dont l'époux, sire Gugalanna, a été tué :
Pour assister aux funérailles
Et prendre part aux libations rituelles! C'est vrai!
Mais Pêtû, le portier-en-chef du monde d'En-bas,
Répondit à la sainte Inanna :
« Reste ici, Inanna! je vais parler à ma souveraine!
Je vais parler à ma souveraine Éreshkigal! »

Pêtû, portier-en-chef du monde d'En-bas,
Entra donc auprès d'Ereshkigal, sa souveraine, et lui dit :
« Madame, il y a là une jeune femme
Élevée comme le ciel, plantureuse comme la terre :
Elle a heurté d'un poing menaçant
L'huis du monde d'En-bas,
Et interpellé le palais du monde d'En-bas
D'une voix agressive.
Elle arrive de l'Éanna.
Elle s'est équipée des Sept Pouvoirs,
Après les avoir rassemblés et tenus en main,
Et les avoir < tous > pris, < au complet >, pour partir.
Elle s'est coiffée du Turban, Couronne-de-la-steppe ;
S'est fixé au front les Accroche-cœur ;
A empoigné le Module de lazulite ;
S'est ajusté au cou le Collier de lazulite ;
A élégamment disposé sur sa gorge les Perles-couplées ;
S'est passé aux poignets les Bracelets d'or ;
A tendu sur sa poitrine le Cache-seins " Homme! viens! viens! " ;
S'est maquillé les yeux du Fard " Qu'il vienne! Qu'il vienne! "
Et s'est enveloppé le corps du pala, Manteau royal! »

Alors, Éreshkigal, en grand souci, se frappa les cuisses de rage,
Et se mordit les lèvres de dépit.
Elle dit à Pêtû, le portier-en-chef :
« Va, Pêtû, mon portier-en-chef du monde d'En-bas,
Et n'oublie pas ce que je t'ordonne!
Tire le verrou des Sept-portes du monde d'En-bas :
Ouvre l'une après l'autre
Les portes du palais de Ganzer,
Et lorsqu'elle y sera entrée,
Qu'on m'amène son corps maté (?), dépouillé de ses vêtements! »

Pêtû, portier-en-chef du monde d'En-bas,
Déférant aux ordres de sa souveraine,
Tira donc le verrou des Sept-portes du monde d'En-bas,
Et ouvrit l'une après l'autre
Les portes du palais de Ganzer,
En disant à la sainte Inanna :
« Eh bien ! Inanna, entre! »
Et lorsqu'elle franchit la première porte,
On lui ôta de la tête le Turban, Couronne de la steppe.
« Que signifie ? (dit-elle)
- Silence, Inanna, (répondit-on) :
Les Pouvoirs du monde d'En-bas sont irréprochables!
Ne proteste pas contre les rites du monde d'En-bas! »
Lorsqu'elle franchit la seconde porte,
On lui ôta le Module de lazulite.
« Que signifie ? (dit-elle)
- Silence, Inanna ! (répondit-on) :
Les Pouvoirs du monde d'En-bas sont irréprochables!
Ne proteste pas contre les rites du monde d'En-bas ! »
Lorsqu'elle franchit la troisième porte,
On lui ôta du cou le Collier de lazulite.
« Que signifie ? (dit-elle)
- Silence, Inanna ! (répondit-on) :
Les Pouvoirs du monde d'En-bas sont irréprochables !
Ne proteste pas contre les Rites du monde d'En-bas! »
Lorsqu'elle franchit la quatrième porte,
On lui ôta de la gorge les Perles-couplées.
« Que signifie ? (dit-elle)
- Silence, Inanna ! (répondit-on) :
Les Pouvoirs du monde d'En-bas sont irréprochables !
Ne proteste pas contre les rites du monde d'En-bas ! »
Lorsqu'elle franchit la cinquième porte,
On lui ôta des poignets les Bracelets d'or.
« Que signifie ? (dit-elle) -
Silence, Inanna ! (lui répondit-on) :
Les Pouvoirs du monde d'En-bas sont irréprochables !
Ne proteste pas contre les rites du monde d'En-bas ! »
Lorsqu'elle franchit la sixième porte,
On lui ôta de la poitrine le Cache-seins « Homme! viens ! viens! ».
« Que signifie ? (dit-elle)
- Silence, Inanna! (lui répondit-on) :
Les Pouvoirs du monde d'En-bas sont irréprochables!
Ne proteste pas contre les rites du monde d'En-bas!.
Lorsqu'elle franchit la septième porte,
On lui ôta du corps le pala, Manteau royal.
« Que signifie ? (dit-elle)
- Silence, Inanna! (lui répondit-on) :
Les Pouvoirs du monde d'En-bas sont irréprochables!
Ne proteste pas contre les rites du monde d'En-bas! »

Ainsi son corps maté (?), dépouillé de ses vêtements,
Fut-il amené devant Éreshkigal.
La sainte Éreshkigal prit alors place sur son trône,
Et les Anunna, les Sept Magistrats,
Articulèrent devant elle leur verdict :
Elle porta sur Inanna un regard : un regard meurtrier!
Elle prononça contre elle une parole ; une parole furibonde!
Elle jeta contre elle un cri : un cri de damnation !
La Femme, ainsi maltraitée, fut changée en cadavre,
Et le cadavre suspendu à un clou!

Passé trois jours et trois nuits,
Ninshubur, l'assistante d'Inanna,
Son assistante aux paroles habiles,
Sa messagère aux discours efficaces,
Éleva en sa faveur une lamentation de catastrophe,
Fit retentir le tambour au siège de l'Assemblée
Visita tour à tour les résidences des dieux,
Se lacérant les yeux, se lacérant la bouche,
Se lacérant la croupe provocante,
Et, telle une pauvresse, revêtue seulement d'un pan d'étoffe,
Elle se rendit, en personne, à l'Ékur, le temple d'Enlil.
Une fois entrée dans l'Ékur, le temple d'Enlil,

Devant Enlil elle répandit des larmes (et lui dit) :
« Ô vénérable Enlil, ne laisse pas tuer ta fille
Dans le monde d'En-bas!
Ne laisse pas mêler ton métal précieux
  À la terre du monde d'En-bas!
Ne laisse pas épanneler comme bloc de carrier
  Ta Lazulite brillante!
Ne laisse pas équarrir ton Buis
  Comme bois de charpente!
Ne laisse pas la jeune Inanna
  Demeurer morte dans le monde d'En-bas!
Mais le vénérable Enlil, irrité, répondit à Ninshubur :
Ma fille, après avoir voulu le Ciel, a désiré l'Enfer!
Inanna, après avoir voulu le Ciel, a désiré l'Enfer!
Mais les Pouvoirs du monde d'En-bas
Et quiconque! »

Le vénérable Enlil ayant donc refusé son aide à Ninshubur,
Elle s'en fut à Ur.
Là, une fois entrée dans le temple « Soubassement-du-pays »,
L'Ékishnugal de [Nanna],
Devant Nanna elle répandit des larmes (et lui dit) :
« Vénérable Nanna, ne laisse pas tuer ta fille
Dans le monde d'En-bas!
Ne laisse pas mêler ton métal précieux
  À la terre du monde d'En-bas !
Ne laisse pas épanneler comme bloc de carrier
  Ta Lazulite brillante!
Ne laisse pas équarrir ton Buis
  Comme bois de charpente!
Ne laisse pas la jeune Inanna
  Demeurer morte dans le monde d'En-bas! »
Mais le vénérable Nanna, irrité, répondit à Ninshubur :
«Ma fille, après avoir voulu le Ciel, a désiré l'Enfer!
Inanna, après avoir voulu le Ciel, a désiré l'Enfer :
Mais les Pouvoirs du monde d'En-bas
Et quiconque [ . .. ]! »

Le vénérable Nanna ayant donc refusé son aide à Ninshubur,
Elle s'en fut à Éridu.
Là, une fois entrée dans le temple d'Enki,
Devant Enki elle répandit des larmes (et lui dit):
« Ô vénérable Enki, ne laisse pas tuer ta fille
Dans le monde d'En-bas!
Ne laisse pas [mêler] ton métal précieux
  À la terre du monde d'En-bas!
Ne laisse pas épanneler comme bloc de carrier
  Ta Lazulite brillante!
Ne laisse pas équarrir ton Buis,
  Comme bois de charpente!
Ne laisse pas la jeune Inanna
  Demeurer morte dans le monde d'En-bas! »
Et Enki, le vénérable, répondit à Ninshubur :
« Mais qu'a donc fait ma fille? Je suis inquiet!
Qu'a donc fait Inanna? je suis inquiet!
Qu'a fait la reine de toutes contrées? je suis inquiet!
Qu'a fait la Hiérodule de An?
Je suis inquiet!
Curant alors un peu de terre de (sous) ses ongles,
Il en modela un kurgara;
Et curant derechef un peu de terre de (sous) ses ongles,
Il modela un kalatur.
Au kurgara il remit de la nourriture-de-vie,
Au kalatur, du breuvage-de-vie!

Puis Enki, le [vénérable], dit au kalatur et au kurgara :
« Bon! Allongez vos pas vers le monde d'En-bas :
Voltigez comme mouches autour de son huis,
Tournoyez comme courants d'air
Autour du pivot de sa porte!
Vous trouverez, à l'intérieur, la mère génitrice,
A cause de ses enfants,
Éreshkigal au lit, malade,
Sans vêtement jeté sur ses saintes épaules,
Le cœur aussi peu dilaté qu'une écuelle (?),
Son [...] disposé auprès d'elle comme un
[ . .. ] de cuivre,
Sa chevelure rassemblée sur sa tête comme un poireau!
Quand elle dira :"Aïe! mes entrailles!"
Dites-lui : "Ô notre souveraine dolente,
Aïe! tes entrailles!!"
Quand elle dira : "Aïe! mes membres!"
Dites-lui : "Ô notre souveraine dolente,
Aïe! tes membres!"
Elle vous dira alors ;"Qui que vous soyez, vous autres,
Puisque vous avez exprimé la douleur passant
De mes entrailles à vos entrailles,
De mes membres à vos membres,
Divins, je vous adresserai un salut favorable!
Humains, je vous assignerai un destin favorable!
Faites-lui-en alors prêter serment
Par le Ciel et la Terre,
Et [...].
Lorsqu'on vous présentera de l'eau-de-rivière, refusez-la!
Lorsqu'on vous présentera du grain-des champs, refusez-le!
- "Offre-nous plutôt (dites-lui)
Le cadavre suspendu au clou!"
L'un de vous lui versera dessus de la nourriture de-vie,
L'autre du breuvage-de-vie,
Et Inanna reviendra à la vie! »

Déférant aux ordres d'Enki, kalatur et kurgara
Voltigèrent comme des mouches
Autour de l'huis de l'Enfer,
Et tournoyèrent comme des courants d'air
Autour du pivot < de sa porte >.
Ils trouvèrent, à l'intérieur, la mère génitrice,
À cause de ses enfants,
Éreshkigal au lit, malade,
Sans vêtement jeté sur ses saintes épaules,
Le cœur (?) aussi peu dilaté(?) qu'une écuelle (?),
Son [...] disposé près d'elle, comme un [...] de cuivre,
Sa chevelure rassemblée sur sa tête comme un poireau !
Quand elle disait : Aïe! mes entrailles!,
Ils lui disaient : « Ô notre souveraine dolente,
Aïe! tes entrailles! »
Et quand elle disait :« Aïe ! mes membres! »
Ils lui disaient :« Ô notre souveraine dolente,
Aïe! tes membres! »
Si bien qu'elle leur déclara :
« Qui que vous soyez, vous autres,
Puisque vous exprimez la douleur passant
De mes entrailles à vos entrailles,
Et de mes membres à vos membres,
Divins, je vous adresserai un salut favorable,
Humains, je vous assignerai un destin favorable!
Ils lui en firent donc prêter serment Par le Ciel et la Terre »
Et [ ...].
Quand on leur présenta de l'eau-de-rivière, ils refusèrent!
Quand on leur présenta du grain-des-champs, ils refusèrent!
« Offre-nous plutôt (disaient-ils)
Le cadavre suspendu au clou! »
La sainte Éreshkigal de répondre alors
Au kalatur et au kurgara :
Mais ce cadavre, c'est celui de votre souveraine!
- Même si c'est celui de notre souveraine,
Remets-le-nous! , dirent-ils,
Puis l'un d'eux versa sur lui de la nourriture de-vie,
L'autre du breuvage-de-vie,
Et Inanna revint à la vie!
Mais, alors qu'elle se préparait
À remonter du monde d'En-bas,
Les Anunna la retinrent (et lui dirent) :
« Qui donc, descendu au monde d'En-bas,
En est jamais ressorti quitte?
Si donc Inanna veut remonter du monde d'En-bas,
Elle doit nous remettre un substitut!»
Aussi, tandis qu'Inanna remontait du monde d'En-bas,
De petits démons, pareils à des roseaux-shukur,
Avec de gros démons, pareils à des roseaux dubban,
L'escortaient-ils.
Celui qui ouvrait le chemin, sans être lieutenant,
Portait un bâton ;
Ceux qui l'accompagnaient, sans être hommes-de-troupe,
Portaient à la ceinture une masse-d'armes!
Or, ces escorteurs, ces escorteurs d'Inanna,
Dédaignaient les offrandes de nourriture et boisson,
Ne mangeaient point la farine épandue en sacrifice,
Ni ne buvaient l'eau versée en libation :
Capables d'arracher l'épouse aux bras de son époux,
Et le bébé au sein de sa nourrice!

Inanna sortit donc du monde d'En-bas
Et, quand elle en fut ressortie,
Se jeta à ses pieds Ninshubur, son assistante,
Accoutrée d'un vêtement misérable
Et prosternée dans la poussière.
Les démons dirent à Inanna :
« Rentre chez toi, Inanna :
Voilà celle que nous allons emmener! »
Mais la sainte Inanna leur répondit :
« Non ! C'est mon assistante aux paroles habiles,
Ma messagère aux discours efficaces,
Qui n'a jamais failli à mes ordres
Et n'a jamais [fait fi] de mes commandements!
En ma faveur, elle a élevé une lamentation de catastrophe,
Fait retentir le tambour au siège de l'Assemblée
Et visité tour à tour les résidences des dieux,
Se lacérant les yeux, se lacérant la bouche,
Se lacérant la croupe (?) provocante (?),
Et, telle une pauvresse, revêtue seulement d'un pan d'étoffe,
Elle est allée à l'Ékur, au temple d'Enlil,
À Ur, au temple de Nanna,
À Éridu, au temple d'Enki,
Et elle m'a sauvé la vie.
- Bon! (dirent les démons), nous allons poursuivre
Et t'accompagner au Sigkurshagga d'Umma! »

Arrivés à Umma, Shara, sorti du Sigkurshagga,
Se jeta aux pieds d'Inanna,
Accoutré d'un vêtement misérable
Et prosterné dans la poussière.
Et les démons dirent à Inanna :
« Rentre chez toi, Inanna :
Voilà celui que nous allons emmener! »
Mais la sainte Inanna leur répondit :
« Non! C'est Shara, mon ménestrel,
Mon manucure et mon coiffeur!
Je ne vous l'abandonnerai à aucun prix!
- Bon! (dirent les démons), nous allons poursuivre
Et t'accompagner a / Emushkalama de Badtibira! »

Arrivés à Badtibira, Lulal, sorti de l'Émushkalama,
Se jeta aux pieds d'Inanna,
Accoutré d'un vêtement misérable
Et prosterné dans la poussière.
Et les démons dirent à Inanna :
« Rentre chez toi, Inanna :
Voilà celui que nous allons emmener! »
Mais la sainte Inanna leur répondit :
« Non ! C'est Lulal, mon capitaine, qui se tient à mes côtés!
Je ne vous l'abandonnerai à aucun prix!
- Bon! (dirent les démons), nous allons poursuivre
jusqu'au grand Pommier du plat-pays de Kul'aba! »

Ils l'escortèrent donc jusqu'au grand Pommier
Du plat-pays de Kul'aba.
Dumuzi s'y trouvait confortablement installé
Sur une estrade majestueuse!
Les démons se saisirent de lui par les jambes,
Sept d'entre eux renversèrent le lait de la baratte,
Cependant que certains hochaient la tête,
Comme la mère d'un malade,
Et que les pasteurs, non loin de là,
Continuaient de jouer de la flûte et du pipeau!
Inanna porta sur lui un regard : un regard meurtrier
Elle prononça contre lui une parole ; une parole furibonde
Elle jeta contre lui un cri : un cri de damnation!
« C'est lui! Emmenez-le »

Ainsi leur livra-t-elle le pasteur Dumuzi.
Or, ceux qui l'escortaient,
Ceux qui escortaient Dumuzi,
Dédaignaient les offrandes de nourriture et de boisson,
Ne mangeaient point la farine épandue en sacrifice,
Ni ne buvaient l'eau versée en libations ;
Ils ne comblaient pas de volupté un sein de femme,
Ni ne serraient en leurs bras de doux bambins,
Mais arrachaient les enfants des genoux de leur mère
Et emportaient de chez son beau-père la jeune épousée!

Dumuzi, tout en pleurs, et ruisselant de larmes,
Leva les mains au ciel, vers Utu :
Utu (disait-il), tu es le frère de ma "femme"
Et je suis le "mari" de ta sœur!
C'est moi qui apportais chez votre mère de la crème,
Moi qui apportais du lait chez Ningal!
Change mes mains en "mains de serpent",
Change mes pieds en "pieds de serpent",
Pour que j'échappe aux démons
Et qu'ils ne me gardent point!
Utu accepta ses larmes :
Il changea ses mains en « mains de serpent,
Et ses pieds en n pieds de serpent,
Si bien qu'il échappa aux démons,
Qui ne le purent garder.

Partie manquant...
Puis les restes du mythe racontaient la fuite de Dumuzi chez sa sœur, Geshtinanna, laquelle adressait alors à Inanna une prière pour qu'on la prît elle-même en Enfer, en place de son frère.
Arrivée de la Mouche , qui révélait aux démons la cachette de Dumuzi, en récompense de quoi Inanna lui « assignait un destin » favorable :
Inanna, la jeune femme, assigna donc
Un destin favorable à la Mouche :
En la maison de la bière, en la taverne, tu ne [ . . ]
Mais, comme les enfants sages, tu ne [...]!
Et ainsi en fut-il, selon le destin
Assigné par Inanna à la Mouche!

Puis, comme Dumuzi pleurait,
Ma souveraine (?) vint à lui,
Le prit par la main (et lui dit) :
« Toi, ce sera seulement la moitié de l'année,
Et ta sœur, l'autre moitié !
Lorsque l'on t'y réclamera,
On s'emparera de toi ;
Et lorsqu'on y réclamera ta sœur,
On s'emparera d'elle! »

Voilà comment la sainte Inanna
Fit de Dumuzi son substitut (?).
Comme il est doux de te célébrer, Auguste Éreshkigal!


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  • Texte extrait de :
    • Jean Bottéro, Samuel, Noah Kramer. " Lorsque les dieux faisaient l'homme ". Editions Gallimard ; 1989 ; p: 276-290.



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