Rupture utérine en perpartum à terme située au niveau du flanc gauche de l'utérus

  • Utérus : images cliniques montrant une rupture utérine survenant en perpartum, en fin de travail, à terme sur utérus cicatriciel.

  • Ces images montrent la pièce opératoire d'une hystérectomie subtotale d'hémostase ; il s'agit d'un utérus cicatriciel chez une parturiente âgée de 40 ans, grande multipare, ayant dans ces antécédents deux accouchements normaux, puis une césarienne pour altération du rythme cardiaque fœtal, et enfin deux accouchements par voie naturelle sur utérus cicatriciel.

  • Chez cette patiente la mise en travail était spontanée et la progression du travail était rapide (aucune stagnation de la dilatation jusqu'à la dilatation complète).

    Devant l'arrêt de la progression du pôle céphalique (engagement partie haute ; présentation régulière en OIGA), une décision de césarienne en urgence (code orange) a été prise, mais en raison de la survenue brusque d'anomalie du RCF (Rythme Cardiaque Fœtal) de type (bradycardie prolongée) lors du transfert de la patiente en salle d'opération, une césarienne en code rouge fut décidée (extraction fœtale en 8 minutes).

  • Dès l'accès à la cavité abdominale, l'opérateur constate la naissance partielle du fœtus à travers d'une rupture utérine située au niveau du flanc gauche de l'utérus (le bord latéral de la totalité du segment inférieur et le tiers inférieur du bord gauche du corps utérin). Cette rupture utérine était associée à une désinsertion totale du ligament large gauche de ses attaches à la paroi latérale gauche du petit pelvis, cela comportait la désinsertion totale du ligament lombo-ovarien gauche, donc la désinsertion des annexes utérines gauches (ovaire et trompe) qui restaient simplement attachées à la corne gauche de l'utérus. Le ligament rond gauche fut le seul élément gardant ses attaches anatomiques habituelles.

  • Au vu de la description précédente, la rupture du ligament large gauche réalisait une mi-hystérectomie subtotale latérale gauche associée à une annexectomie totale gauche.

  • Les parois antérieure, postérieure et le bord latéral droit du segment inférieur étaient intacts ; la cicatrice segmentaire transversale de l’ancienne césarienne était également intacte et épaisse (4 - 5 mm), par conséquent, il ne s'agit pas d'une rupture utérine en rapport avec la désunion de l'ancienne cicatrice de césarienne chez cette patiente qui a déjà accouché par voie naturelle à deux reprises après cette césarienne.

  • Cliniquement, il s'agit d'une rupture utérine paucisymptomatique : aucune douleur n'a été signalée par la parturiente au cours du travail (sous analgésie péridurale) ; aucune métrorragie du perpartum n'a été observée ; travail de déroulement normal avec progression régulière de la dilatation et la descente de la présentation jusqu'à la dilatation complète.
    Le seul signe pouvant être lié à cette rupture utérine est la bradycardie fœtale survenant au moment du passage en salle d'opération pour l'extraction par césarienne.

  • COLLÈGE NATIONAL DES GYNÉCOLOGUES ET OBSTÉTRICIENS FRANÇAIS
    Président : Professeur F. Puech
    Extrait des Mise à jour en gynécologie médicale - 2010
    Publié le 10 décembre 2010

  • Accouchement et utérus cicatriciel : les risques médico-légaux
    G. BERCAU * (Paris)

  • Résumé

    Le taux de césariennes est en forte augmentation dans les pays industrialisés depuis ces vingt dernières années. Il est d’un peu plus de 20 % en France. La prise en charge d’un accouchement après césarienne est donc une situation fréquente. L’existence d’un nombre statistiquement faible mais qualitativement grave de ruptures utérines après épreuve du travail sur utérus cicatriciel a entraîné une augmentation certaine du nombre de césariennes systématiques sur utérus cicatriciel depuis le milieu des années 1990. Sans revenir à l’aphorisme ancien de Cragin (« once a cesarean, always a cesarean ») il convient certainement, en fonction d’un certain nombre de facteurs de risques, d’analyser au cas par cas la conduite à tenir en cas d’accouchement sur utérus cicatriciel, et de prendre une décision sur le mode d’accouchement en accord avec les patientes préalablement informées selon l’esprit de la loi du 4 mars 2002.

  • Mots clés : césarienne, utérus cicatriciel, rupture utérine, loi du 4 mars 2002

  • LA RUPTURE UTÉRINE, RISQUE NON NÉGLIGEABLE

    Le taux de rupture utérine après tentative d’accouchement par voie basse sur utérus cicatriciel (essentiellement post-césarienne) est d’environ 1% [1] avec un risque relatif de 3,3 en cas de travail spontané par rapport à une césarienne systématique avant le travail [2]. Le taux de rupture utérine grave est d’environ 1/1000, soit 10 % de l’ensemble des ruptures, après tentative d’accouchement par voie basse sur utérus cicatriciel [1]. Par rupture utérine grave, il faut entendre celles responsables de dommages majeurs et irréversibles pour l’enfant (infirmité motrice cérébrale d’origine anoxique ou décès) et/ou pour la mère (hémorragie majeure justifiant au minimum d’une réparation chirurgicale avec ligature des pédicules vasculaires, voire d’une hystérectomie d’hémostase, avec transfusion massive de dérivés sanguins humains, et pouvant entraîner le décès de la mère ou être à l’origine de séquelles graves, en particulier neurologiques ou rénales).

    Ce type de rupture utérine siège parfois sur la cicatrice de césarienne antérieure, mais peut aussi avoir une localisation latéroutérine, peut-être à partir d’une zone de faiblesse en regard d’un angle de la cicatrice antérieure de césarienne, et est d’autant plus grave qu’elle intéresse des pédicules vasculaires importants (artère utérine et/ou pédicules cervico-vaginaux).

    Les ruptures utérines, qu’elles soient graves ou non, sont souvent précédées de signes annonciateurs (anomalies du rythme cardiaque fœtal, troubles de la dynamique utérine, stagnation de la dilatation), mais elles peuvent parfois se produire de façon particulièrement brutale, compromettant dans un délai très bref le pronostic de la mère et/ou de l’enfant. Le risque relatif de mortalité maternelle par césarienne, en particulier secondaire à une hémorragie ou une complication thromboembolique, est compris entre 2,86 pour les césariennes programmées et 4,29 pour les césariennes en urgence [3].

    Le risque, essentiellement hémorragique, lié à une insertion anormale du placenta (placenta praevia et/ou accreta, voire percreta) augmente en fonction du nombre de césariennes et devient franchement significatif à partir de la quatrième. Ce risque est en effet respectivement de 0,2 %, 0,3 %, 0,6 % et 2,1 % de la première à la quatrième césarienne [4].

    Le risque de déclenchement sur utérus cicatriciel est très nettement augmenté si ce déclenchement est fait par Syntocinon® (ocytocine) avec un risque relatif de 4,9, et bien plus encore par prostaglandines (risque relatif : 15,6) [2].

    Le risque de rupture utérine sur utérus cicatriciel concerne essentiellement les femmes ayant un antécédent de césarienne, mais doit être clairement envisagé dans d’autres situations à risque plus rares (myomectomie, hystéroplastie d’agrandissement sur utérus malformé, perforation utérine en particulier au cours de résections endoscopiques)[5].

    Compte tenu de tous ces éléments parfois contradictoires, la prise en charge, et plus encore l’information à délivrer pour un accouchement sur utérus cicatriciel sont loin d’être simples, ce d’autant qu’il n’existe actuellement aucune feuille d’information à ce sujet rédigée par la Haute Autorité de santé ou le Collège national des gynécologues et obstétriciens français.

    Rappelons que tout médecin a l’obligation, non seulement déontologique mais aussi légale, notamment depuis la loi du 4 mars 2002, de donner à ses patientes une information claire, loyale et intelligible concernant son état de santé.

    Un certain nombre de praticiens et d’établissements hospitaliers, faisant parfois partie d’un même réseau, délivrent d’ailleurs actuellement une information aux patientes ayant un utérus monocicatriciel appuyée par un support écrit avant la prise de décision concernant le mode d’accouchement.

  • Éléments de réflexions et propositions
    Compte tenu des données de la littérature et des règles de bonne pratique, certains points semblent acquis.

  • Un accouchement par voie basse après césarienne ne peut en principe s’envisager que :

    — s’il s’agit d’un utérus monocicatriciel avec une cicatrice transversale sur le segment inférieur ;
    — s’il n’y a pas eu de complication traumatique utérine lors de la césarienne antérieure, ni de complication infectieuse locale significative pouvant faire redouter une fragilisation de la cicatrice utérine ;
    — si le bassin maternel n’est pas pathologique ;
    — si la grossesse n’est pas gémellaire ou multiple ;
    — si la présentation est céphalique ;
    — si le placenta est normalement inséré ;
    — s’il n’existe pas une suspicion de macrosomie majeure ;
    — s’il n’y a pas de pathologie maternelle et/ou fœtale grave surajoutée ;
    — si la mise en travail est spontanée et se produit au plus tard le jour ou le lendemain du terme ;
    — si la surveillance du travail est stricte, intégrant en particulier la progression de la dilatation, l’absence de troubles inexpliqués de la contractilité utérine et d’anomalies du rythme cardiaque fœtal, avec une utilisation prudente et progressive du Syntocinon® si nécessaire, et pour certains l’utilisation systématique de l’enregistrement de la pression intra-utérine, qui est cependant loin d’être une garantie absolue de sécurité ;
    — si l’ensemble de l’équipe est présent sur place, et dispose d’une infrastructure et d’une logistique permettant de réaliser des césariennes dans un délai rapide, c’est-à-dire classiquement de 30 minutes maximum entre l’indication et l’extraction, mais idéalement plutôt de 15 minutes en cas de rupture utérine grave (crash emergency des auteurs anglo-saxons).

  • Si toutes ces conditions sont réunies, une voie basse peut être envisagée, et a d’autant plus de chances d’être couronnée de succès que la mise en travail est spontanée et qu’il existe un antécédent d’accouchement par voie basse [6].

  • Il faut cependant garder à l’esprit que :

    — même si une épreuve du travail est tentée, le taux de césariennes, le plus souvent en urgence, pour mise en défaut des critères de sécurité, est au minimum de 20 % et peut aller jusqu’à 40 % [6];
    — des lésions cérébrales graves et irréversibles peuvent se produire chez l’enfant à partir de 15 minutes d’anoxie profonde et prolongée, alors qu’il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de réaliser une extraction fœtale dans de bonnes conditions en moins de 15 minutes à partir du moment où la rupture utérine devient symptomatique ;
    — quelle que soit la réactivité de l’équipe obstétricale, un certain nombre de complications graves, en particuliers anoxiques chez l’enfant ne pourront donc pas être évitées ;
    — des ruptures utérines graves peuvent se produire sans le moindre signe annonciateur ;
    — certaines situations semblent particulièrement à risque de rupture utérine (hystéroplastie d’agrandissement sur utérus malformé, myomectomies importantes, perforation utérine au cours d’électro-résections endoscopiques) et doivent conduire à une réflexion très prudente concernant le mode d’accouchement.

  • Information des patientes
    Cette information, reprenant tous les éléments antérieurement cités, se doit d’être délivrée oralement, mais si possible appuyée par un support écrit, donné suffisamment à temps durant la grossesse afin de permettre à la patiente de bénéficier d’un authentique délai de réflexion. L’obstétricien doit non seulement délivrer l’information concernant les risques et avantages d’une tentative d’accouchement par voie basse et d’une césarienne systématique, mais aussi s’assurer que l’information a bien été comprise, en particulier celle concernant les risques de chacune des solutions possibles. Il ne doit pas donner à tort l’impression qu’il se défausse d’une prise de décision importante, mais qu’au contraire il intègre la décision de la parturiente dans cette situation particulière. En d’autres termes, une tentative de voie basse doit être privilégiée si les critères de sécurité antérieurement définis sont réunis, et que la patiente accepte la possibilité d’un risque statistiquement rare mais individuellement lourd de conséquences de rupture utérine grave et imprévisible.

    Si les critères de sécurité sont réunis, mais que la patiente souhaite une césarienne systématique, en ayant bien compris les risques immédiats et à distance d’une telle solution, compte tenu de l’évolution sociétale dont la loi du 4 mars 2002 sur les droits et l’information des patients est le reflet, il nous semble, surtout si le nombre d’enfants désirés n’est pas supérieur à trois, que la demande de la parturiente se doit d’être prise en considération dans cette situation particulière, au terme d’un dialogue réel et d’une réflexion certaine.

  • CONCLUSION
    Les femmes ayant un utérus cicatriciel sont de plus en plus nombreuses dans les pays industrialisés. La décision concernant le mode d’accouchement doit être prise par l’obstétricien en fonction de règles de bonne pratique. Mais compte tenu d’un risque de rupture utérine grave et imprévisible, certes rare mais bien réel, la femme devrait pouvoir être associée au choix de son mode d’accouchement dans cette situation particulière, à l’issue d’une information claire et intelligible, si possible appuyée par un support écrit, et d’un délai de réflexion suffisant.

  • Bibliographie

    [1] Landon MB et coll. Maternal and perinatal outcomes associated with a trial of labor after prior caesarean delivery. NEJM 2004;351:2581-2589.
    [2] Lydon Rochelle M et coll. Risk of rupture uterine during labor among women with a prior caesarean delivery. NEJM 2001;345:3-8.
    [3] Bulletin épidémiologique hebdomadaire, France,1996/2000.Accouchementparcésarienneet mortalité du post-partum, 2 décembre 2006 N° 50.
    [4] Silver R.M et coll. Maternal morbidity associated with multiple repeat delivery. Obstet Gynecol 2006;107:1226-32.
    [5] Porreco RP. The changing specter of uterine rupture. Am J Obstet Gynecol 2009; 200:269;e1-e4.
    [6] Vaginal birth after previous caesarean delivery. ACOG Practice Bulletin N° 115 août 2010.


Auteur Dr Aly ABBARA
Cas suggéré par Dr M. Khalaf
23 Juin, 2018

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  Paris / France